Nos grands anciens - Lycée Pierre Corneille de Rouen

Nos grands anciens

Tout établissement d’enseignement a sa galerie des Anciens, mais je ne sais si l’ancienneté même du Lycée Corneille justifie la richesse de son palmarès : force est de penser que notre vieux lycée qui, rappelons-le, a fêté son quadricentenaire en 1993, fut le creuset où s’épanouirent tant de personnalités dans des domaines très divers ; sans nul doute, les Maîtres qui enseignèrent successivement au Collège des Jésuites, au Collège Royal, à l’Ecole Centrale, au Lycée Impérial et, depuis 1873, au Lycée Corneille furent-ils les catalyseurs d’une évidente élite.

Il faut que les jeunes lycéens actuels s’imprègnent de cette histoire fabuleuse. Etablir la liste de ces illustres anciens relève de la gageure et force est naturellement d’établir un tri a priori, forcément incomplet et probablement partial.

Mais comment ne pas envisager d’un bloc Pierre CORNEILLE et ses frères Antoine et Thomas, même s’ils furent moins célèbres que leur aîné, FONTENELLE, secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences, un des rares centenaires de l’époque, Nicolas MESNAGER, habile et lettré diplomate, négociateur politique de Louis XIV, l’économiste BOISGUILBERT, lieutenant général du Bailliage de Rouen et PRADON, poète tragique dont les démêlés avec BOILEAU alimentèrent la chronique du moment.

Rappelons également la mémoire de Robert CAVELIER DE LA SALLE qui découvrit la Louisiane, remonta le Mississippi et découvrit les "patates", tubercules consommés par les Peaux-Rouges, que les normands de son équipage baptisèrent, selon Gontran PAILHES, du nom de "pommes de terre", en souvenir des fruits de leur pays.

Evoquons également les noms de VALMONT DE BOMARE, élève du chirurgien LECAT, Nicolas BREMONTIER, Ingénieur des Ponts et Chaussées qui eut l’idée de fixer les dunes des Landes par des plantations de pins ; BERNARDIN DE SAINT PIERRE, auteur de "Paul et Virginie", Claude CHAPPE qui inventa le télégraphe aérien.

Parmi les scientifiques, évoquons Pierre DULONG qui découvrit l’acide phosphoreux, le chlorure d’azote et qui mit au point aussi le manomètre, instrument éminemment essentiel de nos jours, le chimiste Antoine DESCROIZILLES dont les inventions les plus importantes profitent journellement au monde entier (extraction du sucre de betterave, gravure du verre avec l’acide fluorhydrique, création de silos pour conserver le grain, mais aussi la cafetière jusqu’au phare à éclipses en passant par l’alcalimètre, l’alambic portatif, le blanchiment du coton par le chlore), Auguste HOUZEAU qui découvrit l’ozone, Félix Archimède POUCHET qui fut, après l’avoir fondé, le directeur du Muséum d’Histoire Naturelle de Rouen dont les démêlés avec PASTEUR sur la génération spontanée sont demeurés célèbres.

Parmi les artistes, les peintres, Jean-Baptiste COROT, Eugène DELACROIX, très influencé par GERICAULT, dont la "Justice de Trajan" orne l’un des panneaux de notre musée des Beaux-Arts, Gaston DUCHAMP, alias Jacques VILLON ; parmi les écrivains, Frédéric BERAT, auteur de "Ma Normandie", Hector MALOT, auteur de "Sans Famille", Auguste VAQUERIE, ami de Victor HUGO et bien évidemment, Gustave FLAUBERT, Guy de MAUPASSANT, Louis BOUILHET et, parmi les hommes de lettres plus récents, Maurice LEBLANC, père d’Arsène Lupin, Emile CHARTIER, plus connu sous le nom d’ALAIN, professeur d’André MAUROIS en notre lycée. Parmi les journalistes évoquons la personnalité de Charles-Louis HAVAS, fondateur de l’agence de presse et parmi les plus récents, citons Robert HERSANT, Franz-Olivier GIESBERT, Paul LEFEBVRE. La musique, aussi, a d’illustres représentants au Lycée CORNEILLE en la personne de Frédéric BERAT et de Marcel DUPRE.

Des ministres importants s’assirent également sur les bancs du lycée, tels Pierre FORFAIT, ingénieur de la marine, ministre de NAPOLEON, Jean MOLLIEN, ministre du trésor, Alexis HEBERT, à la Justice en 1847, Jules SENARD à l’Intérieur en 1848, Alfred DAVIEL, également à la Justice en 1851, Gustave ROULLAND aux Finances en 1871, ouvrant la voie à d’autres tels André MARIE, ministre de la Justice, ministre de l’Education Nationale et Président du Conseil des Ministres sous la quatrième République ainsi que Jean LECANUET, ministre de la Justice et ministre d’Etat. Plus près de nous, Nicolas BAZIRE fut chef de cabinet d’Edouard BALLADUR, Premier ministre

Une place à part revient à certains médecins ou tout au moins à certains anciens élèves qui ont exercé la médecine ou eu des rapports plus ou moins étroits avec l’art médical.

A ce titre, Pierre et Thomas CORNEILLE appartiennent au monde médical du XVII ème siècle. Ils épousèrent en effet les deux soeurs Marie et Marguerite LAMPERIERE, filles de Mathieu LAMPERIERE, médecin à Vernon et de Marie COTTIN. De plus, on retrouve, dans l’oeuvre de Pierre CORNEILLE, beaucoup moins que chez MOLIERE, il est vrai, des allusions médicales. Ses sources étaient peut-être familiales mais on trouva, après la mort de Thomas CORNEILLE aux Andelys, "un vieux coffre bahut, tout rompu, sans serrure ni clé, dans lequel se sont trouvés quarante et un volumes de droit et de médecine très anciens".

Paul Emile BOTTA fut un élément assez particulier ; ayant étudié la médecine en deux temps, il s’intéressa ensuite essentiellement à l’archéologie et fut le fondateur de l’assyriologie ; beaucoup de salles du Louvre lui doivent leurs collections.

Quant à Gustave FLAUBERT c’est très certainement à la maladie et en définitive à la médecine que Rouen doit de l’avoir vu naître et notre lycée de l’avoir eu en ses rangs. Son père, Achille Cléophas FLAUBERT était en effet Interne de DUPUYTREN en 1806 lorsqu’il contracta vraisemblablement une tuberculose pulmonaire ; son Patron l’engagea à venir passer quelque temps à Rouen, probablement aidé par THOURET, d’origine rouennaise qui était alors Directeur de l’Ecole de Médecine de Paris. Achille Cléophas rencontra dans la famille rouennaise de LAUMONIER la fille d’un médecin de Pont l’Evêque, Justine Caroline FLEURIOT, qui était, selon le Docteur GALERANT, la nièce de LAUMONIER et qu’il épousa le 10 février 1812, se fixant définitivement à Rouen.

Rappelons également qu’Achille FLAUBERT, frère de Gustave fut également Médecin et qu’il succéda à son père à l’Hôtel-Dieu.

Les liens de FLAUBERT avec la médecine dépassent ses rapports familiaux ; son ami Maxime DU CAMP était fils de chirurgien ; il fut d’ailleurs le premier à parler d’épilepsie à propos du mal qui frappait Gustave FLAUBERT.

Nous ne saurions quitter FLAUBERT sans évoquer Guy de MAUPASSANT dont l’abord médical nous conduit à évoquer cette "solide vérole qui le ronge, pas cette méprisable chaude-pisse, pas l’ecclésiastique christalline, pas la bourgeoise crête de coq, mais la grande vérole, celle dont est mort François Ier" et qui le fera mourir en 1893.

Il est important également d’évoquer une très grande famille médicale rouennaise, celle des NICOLLE. Eugène NICOLLE, élève de Félix Archimède POUCHET, fut Médecin des Hôpitaux en 1865 ; l’année suivante il fut nommé médecin adjoint du lycée Corneille. Il eut trois fils qui naquirent au 5, rue du Cordier, Maurice, Charles et Marcel qui furent tous trois élèves au lycée Corneille. Marcel, qui fut conservateur des musées de Lille et contribua à la vie du Journal de Rouen, aurait déclaré un jour ; "Je suis l’échappé d’une famille de savants". Maurice vécut un peu à l’ombre de son frère mais ses travaux témoignent aussi d’un ardeur au travail, d’un dynamisme et d’un esprit universel qui lui valurent de nombreux honneurs tant en France qu’à l’étranger. Mais c’est bien évidemment le souvenir de Charles NICOLLE que les rouennais gardent ; brillant élève d’Achille Cléophas FLAUBERT, il gravit en dépit de difficultés liées à son succès, les étapes d’une carrière qui devait l’amener lors de son séjour prolongé à Tunis à la découverte des liens de la transmission du typhus qui lui valait en 1929, l’attribution du prix Nobel de Médecine.

Bon nombre d’autres figures médicales ou scientifiques auraient pu être évoquées ici mais je me suis volontairement limité aux années les plus anciennes afin de ne pas commettre d’impair pour les personnalités les plus récentes et m’attirer les remontrances de ceux qui, probablement à juste titre d’ailleurs, pourraient penser que je les ai omis dans cette liste de notoires à laquelle ils estimeraient appartenir. Et, ici, selon Raoul AUBE, dans un ouvrage collectif sur le Lycée de Rouen paru en 1892, "la phalange devient légion". Rappelons cependant les noms de DEROCQUE, HELLOT, LEUDET, PILLORE, DUMESNIL, BLANCHE, DELABOST,PECQUET, tous anciens élèves du Lycée Corneille et dont les noms ornent les services de nos hôpitaux ou les plaques de nos rues.

Parmi les élèves plus récents, nous devons évoquer les noms de Théodore MONOD, d’artistes tels Bernard DHERAN, Jean ROCHEFORT, RUFUS ; de cuisiniers de renom, Michel GUERARD dont le "Pot au feu" d’Asnières, puis l’établissement d’Eugènie les Bains sont connus du monde entier ; de sportifs, Stéphane CARON.

Puisse la culture dispensée en notre établissement se doubler toujours d’un humanisme exaltant le respect de l’homme et de sa liberté, développant la tolérance, formant comme depuis plus de 400 ans maintenant de jeunes lycéens pour aborder une vie professionnelle de plus en plus difficile mais qui pourront, dans quelques décennies, rejoindre notre "Galerie des Anciens".

Pierre BERTEAU

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